Qu'est-ce qui dirige votre vie ?
L'être humain est celui qui s'appréhende à travers l'image d'un autre ; il est déjà aliéné dans l'instant où il s'aperçoit, puis son développement exige une série d'identifications idéales qui le conduisent à réaliser son idéal du Moi.
Écrit par Ghylaine Manet le 21 Octobre 2020
LE MAITRE OU LE « M'ETRE »
« Que suis-je là ? » C'est une question qui s'adresse à l'autre, celui de l'inconscient, celui qui est le véritable sujet gouvernant les choix de vie, à l'insu de la personne réelle. Grâce à la fonction symbolique du langage, le sujet cherche et pose sa quête de l'existence et de l'être, particulièrement dans l'analyse. Il part à la recherche de ce qui parle quand « ça parle ». Cette quête de l'être se fait dans l'inconscient, c'est-à-dire à travers le langage.
Le pouvoir de l'autre se reconnaît dans le discours du maître qui sait ou plutôt qui croit savoir, et qui aliène l'être véritable dans son surgissement libre. La parole du maître est une parole imposée, elle exerce un pouvoir contre cette parole qui fait être et que Jacques Lacan désigne du néologisme « parlêtre ». Le parlêtre, c'est la parole délivrée qui libère le désir. En fait,
toute rigidité et tout savoir sont un discours de maître, donc d'aliénation, donc inauthentique. La libération du sujet est celle du sujet de l'inconscient qui s'exprime par intermittence et qui dit le vrai « m'être « ; le Moi qui maîtrise n'est pas le moi réel car le moi réel est mouvant, dénoué de tout, c'est le Moi dont le discours émerge de l'analyse.
LE DISCOURS MAGIQUE
La difficulté de diriger sa propre vie désoriente beaucoup de personnes. Elles font souvent appel à la chance, à la superstition, à ceux qui savent, les gourous, les astrologues et les diseuses de bonne aventure, qui sont légion.
On est frappé d'apprendre que tel homme éminent, sérieux, cultivé, qui de surcroît occupe un poste à responsabilités, se fie à des personnes qui détiendraient les clefs de ses problèmes et parfois même de son avenir. Beaucoup de personnes consultent un « voyant » pour fixer la date d'un mariage, le meilleur jour pour entreprendre un voyage, le moment opportun pour entamer un recours juridique et même connaître le résultat d'une élection, la fin d'une grève. « J'y crois parce que ça marche ! » disent-elles.
Toutes les civilisations ont eu recours à la pensée magique. Ce n'est pas un argument pour dire que c'est juste, cela prouve seulement que l'homme est fragile : même adulte, il est prisonnier de son passé, de ses peurs qui tirent leur source de notre héritage collectif. Nous nous savons animal et humain.Nous nous connaissons ange et bête. Nous reconnaissons humblement qu'il est bon de croire que ça marche. Puisque la suggestion est une force, celle-là en vaut bien une autre. Ces personnes acceptent de juguler leurs angoisses par des objets fétiches, des numéros et des dates porte-bonheur, des gris-gris de toutes sortes. Elles admettent que l'habitude de visiter les marchands d'espoir qui dirigent leurs choix n'est pas plus néfaste que celle qui consisterait à s'en remettre à elles-mêmes pour diriger leur propre vie. Il serait peutêtre alors temps de s'analyser et de prendre conscience de sa propre force au lieu d'utiliser un placebo qui comme tel peut s'enorgueillir de 30 % d'efficacité.
C'est le pourcentage de réussite que l'on attribue à un verre d'eau pris par le sujet pour un analgésique. Quand l'individu est incapable de réfléchir et de diriger sa vie, il s'achète une idée venue d'un cabinet de parapsychologie ou il joue à pile ou face.
La superstition utilise cette tendance naturelle à refuser que quelque chose se produise sans cause, en dehors de toute responsabilité, hormis celle du destin.
Elle établit des liens en supprimant une partie de l'univers du sujet, en ne gardant que ce qui peut l'arranger dans son organisation personnelle. On n'entend que ce l'on veut entendre, on ne voit que ce que l'on veut voir, on ne reçoit que ce qui correspond à notre demande. Nous oublions que les porteurs de sens sont soumis aux mêmes difficultés que nous-mêmes. L'ambiguïté de leur message leur permet de n'avoir jamais tout à fait tort. Le consultant prend et n'entend inconsciemment que ce qui l'arrange. En Grèce, à Delphes, au Ve siècle avant J.-C., le temple d'Apollon ne désemplissait pas ; on venait consulter la Pythie qui rendait des oracles. Une autre voix, pourtant, s'élevait non loin de là, celle du père des philosophes, Socrate ; elle invitait à une autre recherche : « Connais-toi toi-même et tu connaîtras l'univers et les dieux. »
Alors que la science fait de grands pas dans tous les domaines, la pensée irrationnelle et magique se développe tout autant : les parapsychologues, les guérisseurs, les maîtres des énergies de tous horizons, les sectes offrent leurs services à l'humanité souffrante, errante, à la recherche d'un sens. On ne voit que conférences, stages d'immersion. Les reportages nombreux qui dénoncent les agissements des sectes ne découragent pas leurs adhérents et sympathisants qui se considèrent comme des victimes et des martyrs.
La secte séduit la personne en quête d'amour, qui souffre de solitude, de manque de reconnaissance, qui ne se plaît pas dans son travail, dans sa vie de couple, dans sa famille, qui ne supporte plus les systèmes sociaux et qui ne veut plus se charger d'elle-même. Cet être en détresse cherche un lâcherprise, qui est un laisser-aller, une conduite d'échec et d'impuissance. Il devient alors vulnérable et influençable. Les premiers contacts avec la secte sont euphorisants : comme ils sont chaleureux, généreux, disponibles ! Puis peu à peu, on s'intègre et le monde environnant devient pauvre et vide. Vos amis ne vous comprennent plus. Votre langage a évolué : on ne parle plus que d'harmonie, d'amour, d'énergies multiples. Le temps n'a plus de valeur, le passé est aboli, le futur est celui de la secte, l'espace est celui de la secte, c'est un lieu clos, coupé du monde, un monde utopique, littéralement « nulle part ». Le langage est le signe de cette coupure. Vous ne comprenez plus les autres et ils ne vous comprennent plus. Votre personnalité disparaît peu à peu. La règle de la secte est la bonne, puisque vous êtes délivré(e) de tous les soucis quotidiens. Pour peu qu'il y ait quelques rites empruntés à des traditions chevaleresques, que l'on distribue des médailles rutilantes et que l'on porte des costumes de parade, pour peu qu'on développe des cérémonies grandioses où la belle musique transporte les sens et élève l'âme, alors disparaît la peur de la vie et de la mort. Vous êtes sous le charme, attiré(e) comme par un aimant. Vous donnez à la secte votre pleine confiance. On vous a séduit(e), réconforté(e), envoûté(e). Peu à peu, le monde matériel n'a plus aucune valeur. Vous vous réfugiez dans la communauté, vous retrouvez votre cocon de nourrisson, vous régressez dans un bien-être innocent, ignorant. Vous n'avez plus besoin de penser car on pense pour vous. Au-dehors, vous souffrez. Au-dedans vous vivez. Vous êtes maintenant le parfait porte-parole de la secte. Vous ne vous appartenez plus. On ne peut plus vous atteindre, vous, individu, puisque vous êtes fondu dans le groupe. Vous n'avez qu'une seule famille, la secte. Vous ne possédez plus que « cet amour » qui rayonne en vous et qui comble le vide de votre existence. Votre pensée s'est noyée dans le verbiage de la secte.
LA SOPHROLOGIE, ANTIDOTE DES SECTES
La sophrologie opère le chemin inverse et s'avère dans son essence un antidote des sectes Si certaines utilisent des techniques de relaxation sophronique, ce n'est que pour apaiser le trouble de leurs adhérents dans un premier temps et faire passer ensuite des messages qui viennent non pas d'un échange et d'un dialogue entre le sujet et l'intervenant mais qui servent à ancrer des pensées toutes faites : « Ma vie est avec vous, le monde va à sa perte, ici je suis protégé(e) ». Les messages sont de tous ordres mais n'intéressent pas l'individu et son projet de vie personnel. La sophrologie, au contraire, vous aide à affirmer ce que vous pensez, à n'accepter aucun dogme. Vous gardez toujours le pouvoir sur vous-même. Le sophrologue n'est ni un gourou ni un directeur de conscience, ni un juge. Il aide à trouver le chemin, il accompagne la personne jusqu'à ce qu'elle puisse marcher seule. Les messages qui sont induits sont travaillés en accord avec la personne, c'est le contraire d'un lavage de cerveau. Les techniques conditionnées détruisent les pensées négatives, neutralisent les effets traumatisants pour redonner confiance en soi, dans l'action et dans la communication avec autrui. Ce n'est pas une fermeture sur un monde clos, mais une ouverture vers toute la richesse du monde et d'autrui.
Vous vous construisez vous-même, vous nettoyez votre cerveau des phrases toutes faites qui l'encombrent. Votre but, c'est votre propre libération, celle des images successives qui ont jalonné votre formation et dont le langage est le véhicule. La sophrologie commence après la phase de relaxation et d'apaisement ; elle est le levier de toute reconstruction de soi, elle apporte la lucidité sur votre propre fonctionnement et le retour à la direction de votre propre vie grâce à la reconnaissance du libre arbitre qui est l'apanage de l'être humain.
Le sophro-analyste n'a pas d'autre propos que la libération de l'individu afin qu'il soit apte à diriger lui-même sa vie pour son propre épanouissement.
Cela ne lui donne pas le droit de légiférer la vie des autres et chacun fait un chemin personnel.