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Les boucs émissaires et le harcèlement moral

Cet article est toujours encore d'actualité. Hélas écrit il y a 10 ans. Il parle des boucs émissaires et du harcèlement moral qu'il soit dans les cours de récréation, à l'école, dans la famille ou dans les entreprises.

Écrit par Ghylaine Manet le 12 Avril 2024

Les boucs émissaires et le harcèlement moral

« Ce n'est pas le mal que font certains qui est néfaste, c'est le silence des autres» a dit un jour Martin Luther King qui fut assassiné le 4 avril 1968 à Memphis. Militant non-violent pour le droit des noirs ; il eut le prix Nobel de la paix en 1964.

 

Comment le thérapeute peut-il aider la victime?

Comment arrêter la spirale du harcèlement moral ? 

Disparaître plutôt que de parler pour se sauver, c’est le reflexe des victimes.

Que ce soit l'enfant ou l'adulte, que ce soit dans les cours de récréation, à l'école, dans la famille ou dans les entreprises, la victime a toujours le même comportement, les mêmes sensations, la même souffrance et la même impuissance.

Nous avons tous le souvenir d'enfants qui s'isolent dans la cour de récréation. Ils subissent de la part de leurs camarades une violence psychologique qui s'exprime par les insultes, des sarcasmes, mais aussi par l'exclusion du groupe.

La famille n'est pas toujours un refuge pour ces enfants. Peut-être, sans le vouloir, les parents ont favorisé dans la fratrie un autre enfant. Il est peut-être aussi l'objet de brimades à la maison. L'école systémique de Palo Alto a mis en évidence la place du « patient désigné « le bouc émissaire, comme fonction obligatoire d'un groupe en dysfonctionnement. « Il aurait donc sa fonction nécessaire à la cohésion du groupe et au règlement des conflits. C'est le cas rencontré, trop souvent dans le cabinet, des attouchements sexuels subis d'un des membres de la famille : on sait, on se tait, un enfant est sacrifié sur l'autel de la famille.

La violence aujourd'hui est omniprésente dans les films et les jeux vidéo. Les enfants tuent virtuellement les avatars sans émotion. Les séries policières nous offrent 37 morts par semaine environ. Le jeu du foulard apparu dernièrement a soulevé l'émotion dans la société. On compte environ 1000 décès par an et 80 000 tentatives de suicides. 

Les brimades, les violences psychologiques dans l'enfance peuvent développer chez certains le plaisir, la pulsion de persécuter les autres à l'école ou dans la vie sociale. Le texte de Sigmund Freud (1919) : « un enfant est battu » met à jour l'excitation du fantasme que crée le spectacle de l'enfant battu par le père pour celui qui veut être aimé du père. « S'il bat l'enfant, c'est qu'il le hait et qu'il n'aime que moi ». C'est le point de départ du mécanisme du masochisme et du sadisme qui fait partie de notre développement psychique.

Les découvertes des neurones miroirs en 1996 par Giacomo Rizzolatti, neurologue de l'université de Parme permettent de comprendre que nous nous construisons essentiellement grâce à l'imitation. Leur propriété est de s’activer de la même manière quand on fait une action ou quand on observe quelqu'un d'autre faire la même action.

La victimisation peut perdurer au cours de la vie de cet enfant devenu adulte. De bouc émissaire enfant, il sera peut-être l'adulte persécuteur dans le monde du travail.

 

La victime s'enferme dans le silence et s'isole progressivement. Elle se noie sous nos yeux indifférents. Si personne ne vient à son secours, elle s'enfonce dans une spirale qui peut l'amener à la dépression et même au suicide. Disparaître plutôt que de parler pour se sauver. Et c'est le vœu du persécuteur qu'il soit individuel ou qu'il soit aidé par des complices.

 

Comment aider la victime ?

En premier lieu, il est recommandé de ne pas agir seul. Le harcèlement est complexe, on a besoin de circonscrire le problème avec des sensibilités et de moyens multipliés, de la justice pour être efficace et protéger la victime de s'être dévoilée.

La phase suivante est de contacter la victime, de la mettre en confiance : entreprise difficile car c'est justement ce qu'elle a perdu : confiance en soi et sentiment de sécurité. Elle se méfie de tout, habituée aux jeux de manipulation et de séduction du ou des persécuteurs. Le danger est dans la victimisation, dans le sentiment de honte et de culpabilité qu'entraîne cette situation, et dans l'acceptation. Cet ensemble de sentiments est la vraie pierre qui conduit à la noyade.

 

Le choix d'une thérapie individuelle globale

Le cabinet du thérapeute professionnel et expérimenté pour les victimes est un lieu protégé. Les enfants et les adultes peuvent parler en confiance et en sécurité. Les victimes viennent pour un tout autre motif qu'elles donnent : pour un enfant, les problèmes scolaires, une énurésie, une prise de poids, des cauchemars ; pour un adulte, ce sont des insomnies, des douleurs chroniques, un état dépressif.

Dans une deuxième phase, quand la relation thérapeutique s'est installée, la victime livre son secret. Le thérapeute l'aide à démonter le mécanisme qui s'est mis en place peu à peu, insidieusement, à son insu. La victime a le droit de se défendre.

 

Techniques spécifiques du thérapeute

Pour la victime ,énumérons les techniques employées qui vont renforcer sa combativité, son moi profond, ses ressources personnelles : techniques comportementales de sophrologie et d'hypnose dans un premier temps pour supprimer l'angoisse devant l'agresseur; respiration abdominale anti-stress ; le training autogène de Schultz avec une technique conditionnée hypnotique d'un geste qui va couper la montée de l'angoisse, ajoutée à la visualisation d'un paysage sécurisant; le développement d'une bulle étanche devant les agressions. Toutes ces techniques pour être efficaces doivent être répétées quotidiennement, ce qui ce qui induit l'enregistrement de ces techniques mises au point avec le sujet lui-même.

Ajoutons d'autres techniques plus «sophistiquées» comme les techniques d'hypnose Ericksonienne: le conte « Le vilain petit canard « de Hans Andersen » écrit en 1842 est un excellent canevas d'hypnose pour petits et grands; la correction de scène avec une télécommande magique qui reprend les scènes de harcèlement. Et nous proposons pour l'EPST, l'état de stress post-traumatique le protocole des mouvements oculaires pour désensibiliser les scènes traumatiques et les reprogrammer (technique EMDR mise au point par Francine Shapiro en 1987). 

Et enfin nous développons l'énergie vitale, la force morale, l'affirmation de soi ici et maintenant et la recherche des ressources personnelles, avec une relaxation dynamique debout. La sophrologie analytique et comportementale développe l'ancrage physique et mental, avec ce message spécifique : « j'ai le droit d'exister ici et maintenant, j'ai le droit de réussir mon chemin d'évolution, je suis libre». On y ajoute un geste particulier de karaté accompagnant la visualisation d'une cible à détruire.., par exemple la peur transformée en un animal repoussant. Ainsi la thérapie globale et plurielle utilisant le corps, l'affectivité, la conscience et      l'inconscient permet de réhabiliter la personne dans sa totalité physique psychique et mentale.

 

Oui, il faut beaucoup de courage pour briser la loi du silence « l'omertà ». La peur d'être pris dans l'engrenage du processus mortifère laisse souvent la victime isolée. Aujourd'hui, la Justice a reconnu l'ampleur du problème social de ce phénomène. 

 

La justice prend en compte le harcèlement moral.

Les lois changent grâce à la mobilisation de la société et des écrivains comme Marie-France Hirigoyen. En 2011, un arrêté du conseil d'État en Métropole a essayé de combler le vide juridique portant sur les obligations des fonctionnaires.

L'association juridique pour l'égalité en droit (l’AJED) institue la journée nationale le 30 septembre 2013 pour dire non au harcèlement. 

 

Les exemples de l’histoire

L'Histoire de l'humanité est une succession de meurtres et d'expression de la haine et de la jalousie.

La bible date de 1400 avant J.C et les écrits égyptiens datent de 3000 av J.C. 

La bible plus récente mais mieux connue de notre culture nous raconte ces épisodes : Adam et Eve ont eu plusieurs enfants dont Caïn et Abel  (Genèse 4) 

Sur la demande d'Adam, Caïn, l'agriculteur, a offert les produits de son champ de céréales et Abel son plus beau mouton. Dieu a préféré l'offrande d'Abel. Caïn en a ressenti de la haine et de la jalousie. Il a tué son frère. Alors, Dieu le maudit. Il le condamna à l'errance éternelle (Genèse, 25),  Isaac, fils d'Abraham a eu deux fils:  Jacob et Ésaü. Jacob cuisine un plat de lentilles, Ésaü l'ainé rentre d la chasse fatigué et affamé. Il demande le plat de lentilles qui flatte ses narines. Jacob le lui refuse. « Si tu me donnes ton droit d'ainesse, je te donne mes lentilles. « J'accepte lemarché. Esaü dévora ce plat de lentilles et perdit son droit d'aînesse. Esaü, qui était roux, signe particulier, nourrit pendant 20 ans une haine terrible pour Jacob.

 

Et la mythologie égyptienne nous raconte aussi l'histoire cruelle de deux frères Seth et Osiris. Seth régnait sur le désert et Osiris sur les terrains fertiles d'Egypte. La haine et la jalousie de Seth le poussèrent à tuer son frère Osiris Le désert étant une terre rouge, Seth est assimilé à un diable roux. Il reste encore dans certaines provinces françaises une certaine méfiance des hommes roux 

Y at-il un lien avec ces histoires millénaires ? 

Le pharaon Ramsès II, (1250 av J.C) aurait eu les cheveux roux. Une découverte archéologique récente montre qu'il se teignait les cheveux avec du henné pour renforcer son pouvoir sur ses sujets.

Des femmes et des hommes sont à l'écart du groupe familial pour leur couleur de peau ou leur origine pour leur morphologie, un détail comme les cheveux roux. Il suffit d'être différent, atypique pour devenir le bouc émissaire d'un groupe et porter toute la responsabilité des problèmes du groupe.

 

René Girard philosophe français, nous découvre sa théorie principale : le désir mimétique et en 1982, le bouc émissaire, analyse des persécutions des juifs au XIIIe siècle en Europe accusés d'infanticides.

 

Tout désir est l'imitation du désir d'un autre. Notre désir est toujours suscité par le désir qu'un autre a d'un objet. L'objet du désir est désiré par un autre et c'est cet autre qui est le plus important pour l'être qui désire. Prenons un exemple banal. Ce n'est pas la femme que Pierre désire, c'est la femme que Paul désire, c'est la même femme mais désirée par un autre que lui. Et c'est ce désir-là qui le fascine. Pierre désire le désir de Paul. Ce qui attire Pierre c’est de posséder ce qui fait l'existence et la personnalité de Paul. Cette femme n'a de valeur que parce que Paul la désire.

Ainsi Paul devient le rival de Pierre et il est un obstacle pour posséder cette femme.

Cette rivalité est contagieuse. La violence menace à tout instant. « Si deux individus désirent la même chose, il y aura bientôt un troisième et quatrième. Le processus fait facilement boule de neige. L'objet est vite oublié, les rivalités mimétiques se propagent, et le conflit mimétique se transforme en antagonisme généralisé : le chaos, « la guerre de tous contre tous » de Hobbes (le Léviathan en 1651 avec cette phrase célèbre : l'homme est un loup pour l'homme).

 

Et « le tous contre tous » peut se transformer en un -tous contre un- pour sauver le groupe. La communauté s'unit contre un individu unique. La victime responsable de la crise a ramené la paix. C'est l'origine des rituels, des mythes, des tabous dans toutes les civilisations. 

 

Un jour ou l'autre, chacun d'entre nous peut devenir le bouc-émissaire d'un groupe, de sa famille (lors d'un décès et d'un héritage). Curieusement, certains qui se croyaient à l'abri deviennent l'objet de violences verbales et gestuelles ou l'objet d'une mise au placard professionnelle. 

 

Le phénomène du bouc émissaire n'est donc pas une question d'éducation mais de nature. C'est la culture par l' l'éducation et le développement de la conscience qui nous permet d'évacuer la haine, la violence, la jalousie. Heureusement la conscience progresse et l'obscurantisme et la xénophobie tendent à reculer. Gardons notre vigilance. Observons les changements de comportement de ceux qui nous entourent. Peut-être ont-ils besoin de notre aide ?