L'intérêt de l'autre dans le couple
Les dimensions intérieure et extérieure dans le couple. Comment un couple se dévore l'un et l'autre dans une relation. Les stratagèmes du couple.
Écrit par Ghylaine Manet le 5 Septembre 2019
L'autre est impossible à nier. Il est l'élément moteur du développement de chacun ; c'est par lui que tout arrive : les sentiments par nature ambivalents témoignent de la difficulté des interactions humaines. Les dimensions intérieure et extérieure du Moi n'existent pas. Le Moi se loge dans l'image apparemment extérieure de l'autre. Il y a, bien sûr, des sélections d'images, en fonction de leur prégnance : l'image qui s'impose d'elle-même.
L'absence du regard de l'autre, de sa reconnaissance, est insupportable ; côute que coûte, il faut s'attacher l'autre pour exister soi-même. Cet amour captatif des premiers mois du petit d'homme se retrouve à l'âge prétendûment adulte, au moment où l'amour devrait avoir perdu cette agressivité primaire. Coûte que coûte : l'expression en dit long. La personne qui n'aura reçu que peu d'amour dans les premiers mois de sa vie peut avoir dans sa vie d'adulte des comportements particuliers : rechercher abusivement l'intérêt d'autrui, se faire remarquer, séduire, tenter de capter l'autre pour se l'attacher par tous les moyens. Acheter l'autre pour être sûr qu'il vous sera éternellement reconnaissant, faire tourner le monde autour de soi, ne penser qu'à soimême, « ramener tout à soi », dit-on communément.
Manger l'autre, se l'incorporer, comme le bébé dévorerait volontiers le biberon ou le sein de sa mère. Nous rencontrons souvent ces personnes possessives, agressives, qui pompent votre énergie, des vampires, des ventouses. On en sourit, mais ce comportement est facilement repérable dans les conduites d'adultes qui régressent à ce stade dans les moments éprouvants de leur vie. Ce comportement, très visible chez Estelle, est fort répandu. Il a le don d'éloigner les personnes de l'entourage qui ne comprennent pas cette tension exagérée vers l'autre. En fait, l'amour pour la mère dès les premiers âges de la vie est une nécessité pour la prise de conscience de soi qui sera le noyau du développement ultérieur de la personnalité. Dans ce changement de perspective, de soi vers l'autre, il y a perte d'amour de soi, mais largement compensée par l'amour de la mère qui redonne au centuple ce que l'enfant a perdu. Si un arrachement à soi-même appauvrit dans un temps, il y a en retour un enrichissement grâce à l'apport extérieur d'amour : c'est l'échange fructueux que l'on retrouve dans tout acte d'amour.
Mais cet arrachement demande que l'on se quitte et que l'on maîtrise l'angoisse de la séparation. C'est bien la difficulté de l'adulte qui a mal vécu sa relation avec sa mère. Etant insatisfait, il reste à un stade narcissique, que l'on appellera secondaire dans la mesure où il conserve les caractéristiques du narcissisme primaire du premier âge. Tout l'amour ou une grande partie de l'amour, au lieu de se reporter sur un autre objet, c'est-à-dire une personne, revient sur soi. Ce narcissisme secondaire est le symptôme d'une névrose qui cache un traumatisme, des événements conflictuels qu'il nous appartient de mettre au clair dans une thérapie individuelle.
Combien de couples sont liés ainsi dans une relation dévorante, et alors qu'ils sont censés être arrivés à leur plein épanouissement, ils conservent des conduites de leur prime enfance. Ils sont restés au stade oral, stade du narcissisme primaire, de l'ambivalence des sentiments, d'agressivité et d'amour alternés.
Extrait de "Respirez la Vie" , page 68