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Les turbulences d'une thérapie de la phobie d'avion

On considère généralement qu'une thérapie a 70% d'efficacité. Si nous réussissons à travailler avec le patient en utilisant à bon escient ces thérapies.

Écrit par Ghylaine Manet le 9 Septembre 2015

Les turbulences d'une thérapie de la phobie d'avion

La phobie est un symptôme qui nécessite plusieurs approches thérapeutiques si l'on veut s'en débarrasser. L'écoute attentive du patient nous révèle une richesse de sensations, d'émotions qui vont nous permettre de déterminer la stratégie thérapeutique la plus efficace et la plus brève pour apaiser le patient dans sa réalité quotidienne si difficile à vivre.

Quelle que soit la phobie, il est de toute nécessité de tenir compte de la relation qu'entretient le patient avec son corps propre, la gestion de ses émotions, la relation avec son espace, avec sa représentation du temps, avec  autrui, et avec lui-même.

 

Pour une personne phobique, la relation avec le temps est son problème essentiel. En effet, le temps et l'espace sont contaminés par l'angoisse, angoisse du temps qui passe, angoisse de mort, impossibilité de profiter du présent.  La phobie est liée à l'écoulement du temps. « On ne se baigne jamais deux fois dans la même eau » disait Héraclite, le philosophe ionien du VIème siècle avant JC. Le sujet phobique ne bouge plus, il a peur de ce qui est nouveau, inattendu, et en même temps, il a peur de tout ce qui est fermeture, il étouffe. Pris entre ces extrêmes, il pense mourir à chaque minute, il a peur du regard de l'autre et n'ose pas regarder l'avenir, accroché à ses images qu'il se fabrique en permanence, en silence jusqu'à l'épuisement.

 

La relation thérapeutique est essentielle pour amorcer un changement de vue et de vie pour le patient. Alors qu'il lui est difficile de faire confiance à quelqu'un, le voilà face au thérapeute, un étranger qui va devenir le confident de sa détresse, lui qui n'a jamais confié l'ampleur de sa souffrance à quiconque. Qui peut le comprendre ? Qui peut l'aider ? et comment ?

 

Selon le Dr Gérard Apfeldorfer, psychiatre, psychothérapeute bien connu et auteur du best-seller « Pas de Panique », la médecine a une efficacité médiocre, la psychanalyse a un effet aléatoire. Ce sont les psychothérapies comportementales qui sont les plus efficaces. 

Nous pourrions ajouter que les traitements alternatifs se conjuguent bien avec les précédentes thérapies pour venir à bout de ces phobies. Dans le courant de la thérapie, nous utiliserons d'abord le training autogène du Dr Schultz (décédé en 1970) afin de prendre conscience de son corps ici et maintenant, dans cette dimension spatio-temporelle que le phobique a tant de difficultés à apprivoiser. Il est utile d'associer une technique conditionnée dérivée de l'hypnose ericksonienne.  Ce sera le premier exercice (15 min environ) enregistré pendant l'heure de consultation sur un CD ou un MP3. Il est confié au patient qui doit l'écouter au moins une fois par jour afin de se conditionner  pour retrouver le calme face à la situation anxiogène.

Nous proposons cet exercice d'auto-hypnose mis en place avec le patient lui-même, l'évocation d'un paysage sécurisant, la respiration abdominale antistress, qui nous vient de la sophrologie, le retour au corps, au schéma corporel, à la gestion de ses émotions, l'émission de pensées positives : je suis calme, je suis en confiance, je suis en sécurité, je suis capable de… L'association d'un geste précis comme fermer le poing avec une sensation d'apaisement et un paysage bienfaisant court-circuite la crise de panique. Le circuit neuronal emprunté par cette image et cette pensée exprimée de calme va chasser les messages négatifs du patient qui agissent comme une hypnose négative. En effet, dans la situation anxiogène, le patient est en proie à une épouvante qui lui fait dire : « je vais mourir ».

 

L'hypnose éricksonienne nous permettra de corriger les scènes traumatisantes en demandant au patient préalablement placé en conscience modifiée, c'est à dire « en transe »,de les faire apparaître sur son écran mental. L'hypnothérapeute lui demande d'être un metteur en scène et de changer la scène. Lorsque la personne est sortie de sa transe, elle explique comment elle a transformé la scène insupportable. L'effet est étonnant. Le symptôme s'est quasi évanoui, il faudra ensuite le mettre à l'épreuve de la réalité.

 

Nous pourrons dans une autre séance utiliser la thérapie des mouvements oculaires (EMDR) mise en protocoles dès 1987 par Francine Shapiro, Docteur en psychologie au MRI de Palo Alto (Californie) qui reçut en 2002 le prix Sigmund Freud du congrès mondial de psychothérapie. Les  affects venant de traumatismes anciens ou même récents sont désensibilisés et de nouvelles informations surgissent spontanément, ce qui confirme la possibilité d'adaptation du sujet ; ses propres ressources, bloquées jusque-là, vont permettre de retraiter l'information et « digérer » l'événement traumatique.

 

On considère généralement qu'une thérapie a 70% d'efficacité. Si nous réussissons à travailler avec le patient en utilisant à bon escient ces thérapies, nous pouvons espérer réussir plus souvent et plus rapidement. N'est-ce pas le vœu le plus cher du patient et du thérapeute?

 

Voici une vignette clinique :

 

Christine, 40 ans, mariée depuis 20 ans à un homme, du même âge, dont le sport favori est le pilotage d'avion privé. Ils n'ont pas d'enfant. Elle vient consulter pour une phobie d'avion. (Symptômes: angoisses, fatigue, état dépressif).

L'élément déclencheur de la demande de prise en charge : « Mon mari m'a fait peur en avion, il y a deux mois. J'ai fait une crise de spasmophilie. J'ai eu très peur. Il a failli toucher un bateau pour dire bonjour  au propriétaire qui était son copain. Je reviens vous voir car cela m'a réveillé la phobie d'avion que vous aviez traitée il y a 3 ans ».

Quel sera le bénéfice proche de cette nouvelle thérapie ? « Je dois partir en Australie pour le mariage de ma nièce dans six semaines et je suis obligée de prendre l'avion ».

 

 

RETOUR EN ARRIERE, l'angoisse en avion.

Le traumatisme vient d'un événement situé 10 ans en arrière. « Je partais en avion en Australie. Juste avant le décollage, j'ai reçu un coup de fil de mon frère : mon siamois, mon chat que j'adorais, venait de mourir écrasé par une voiture. Il a  agonisé jusqu'à ce que son cœur lâche. J'avais envie de repartir de l'aéroport mais je ne pouvais pas annuler mon voyage. Je ne pouvais plus respirer, un médecin à bord m'a fait une injection de calcium. J'étais très angoissée et j'avais mal aux oreilles.  Pour moi, c'est le début de ma phobie ».

 

La psychanalyse et la phobie :

Le premier texte de S. Freud : « Obsessions et phobies » 1895 : la phobie est la manifestation de l'hystérie. Il présente un cas clinique d'une femme dont la phobie est celle de l'allaitement avec une anorexie: elle est phobique de la maternité : nourrir et nourrir l'enfant.

Le cas le plus célèbre qui éclaire la fonction symbolique de la phobie se trouve dans Cinq psychanalyses (1908). C'est celui du petit Hans, enfant de 5 ans (Herbert Graf) : l'étude de ce cas nous fait passer du mécanisme de la phobie à ses signifiants. Le petit Hans a peur d'un cheval. En fait, c'est de son père dont il a peur.

 

Le travail avec une personne phobique :

Il se fait avec la totalité de la personne (corps, esprit, cœur).

Tenue d'un journal avec des tâches concrètes, pour analyser le processus du changement.

Prise en compte des ressources du sujet, de « sa partie saine », développement de l'autonomie du sujet entre les séances.

Travail sur l'énergie vitale, la respiration abdominale antistress, le calme.

Développement des images, des métaphores générés par l'hémisphère droit, des sensations grâce aux séances d'hypnose éricksonienne.

Ecoute des séances de 15 mn chez soi ,si possible une fois par jour.

 

Recherche des  événements traumatisants:

A 6 ans : panique aux toilettes dans un centre commercial.

Il y a 10 ans, j'ai été enceinte : impression que j'étouffais l'enfant. Fausse couche à 6 semaines. Quelque temps plus tard, la mort d'une jeune fille enceinte d'un enfant qui lui a survécu. Il y a six ans, la mort de mon chat avant de prendre l'avion qui nécessita la première thérapie de la phobie d'avion et Christine a retrouvé, alors, la joie de voyager et de partir en avion.

 

Un  autre souvenir d'enfance.

J'ai failli mourir à 6 ans d'une mauvaise cicatrisation lors d'une opération des amygdales. Je vomissais des caillots de sang. Je me vidais de mon sang. Une personne généreuse a fait don de son sang.

 

 

Les turbulences de la thérapie:

Elles viennent retarder le déroulement de la thérapie d'une simple phobie.

Un deuil non accompli.

La grand'mère maternelle a été adorée. Elle est décédée quand Christine avait 10 ans. Elle porte  toujours sa bague préférée. Elle va souvent se recueillir sur sa tombe. L'Australie est le pays de cette aïeule.

Le deuil n'est toujours pas fait. Nous aurons une séance d'hypnose ericksonienne pour accepter cette séparation. A la séance suivante, Christine exprima sa paix intérieure face à ce décès.

 

Un désir d'enfant non réalisé.

La phobie d'avion dévoila un autre pan de la vie de Christine. Elle souffre depuis des années d'une stérilité inexpliquée par le corps médical. Christine a évoqué son couple, leurs difficultés vis à vis de cette frustration. L'utilisation de l'hypnose donna une base de travail sur ce désir d'enfant. Le fait  de ne pas avoir d'enfant me fait perdre ma confiance en moi, disait-elle.

 

Les changements dus à la thérapie.

C'est Christine qui les exprime clairement dans son bilan final.

« J'angoissais, j'étouffais quand je pensais à l'accouchement ».

« Les conditions aujourd'hui sont réunies : paix intérieure, désir constant, joie de vivre, je ris beaucoup plus, je prends du recul, l'amour est le plus important, c'est l'essence de ma vie, je retrouve l'amour de mon mari ».

« J'ai maintenant confiance dans le corps et l'esprit ensemble ».

« Maintenant, la nature a ses mystères que nous ne maîtrisons pas toujours ». 

« Il y a deux mois, j'attendais la fin de ma vie, aujourd'hui je suis dans les projets ».

« Avant, on faisait l'amour avec la période d'ovulation, c'était obsessionnel, et là, c'est pour le plaisir. Avant, mes organes ne servaient à rien ».

« Mon couple va mieux. Quand je rentre après mon travail, je suis plus disponible pour la soirée . Mon mari et moi nous vivons plus heureux. Nous avons accepté l'absence d'un enfant. Nous voyageons plus. Il a changé d'orientation professionnelle ».

 

Qu'en est-il de la  mixité thérapeutique, que l'on peut nommer thérapie plurielle ?

Elle est inventive là où le sujet est bloqué.

Elle découvre des pistes plus ou moins incertaines que le sujet, accompagné par le thérapeute, va explorer pas à pas, souvent dans l'hésitation et la résistance et enfin dans l'acceptation.

 

Elle redonne l'initiative et la curiosité au sujet qui au début de la thérapie arrive avec la certitude que c'est le thérapeute qui va lui donner les clefs et qu'il sait tout de son problème.

Pour Christine, ce fut un bouquet d'approches thérapeutiques qui a réussi à la rendre enfin tranquille.

 

Alors qu'est-ce qui marche ?

Milton H Erickson disait lui-même qu'il ne savait pas ce qu'il faisait. Cela me permet d'accepter de dire  que je ne sais pas comment ça marche, et que ça marche. Christine ne sait pas plus pourquoi elle n'a pas d'enfant alors que tous les médecins s'accordent à trouver son corps apte à enfanter. Et nous ne savons pas non plus ce que nous réserve l'avenir. Encore bien des turbulences à venir peut-être… Consolons-nous. La vie n'est qu'énergie en mouvement. Les turbulences témoignent de la vie.

 

Qu'en est-il de la phobie de Christine ?

Elle n'est plus là. Elle reconnut que la phobie de l'avion était  liée à la séparation des êtres chers, à leur disparition définitive, à la peur de la mort. N'est-ce pas ce que nous partageons tous ?

Blaise Pascal disait déjà dans ses Pensées en 1669 que nous passons notre vie à nous divertir de la question essentielle, celle du malheur de notre vie.