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Le traitement de la boulimie par une thérapie pluridimensionnelle

Comment une thérapie comportementale et pluridimensionnelle aide la personne boulimique à se réconcilier avec elle-même afin de maigrir.

Écrit par Ghylaine Manet le 6 Janvier 2015

Le traitement de la boulimie par une thérapie pluridimensionnelle

La boulimie vient de deux mots grecs : limos faim et bous : le boeuf, une faim de boeuf ou boulimion, faim de taureau. Le mot évoque une image mythique rapporté par Ovide (43-17 après J.C). Le héros Erysichton (c’est celui qui fend la terre, le laboureur), prince de Thessalie, fit couper des arbres sacrés appartenant à Déméter, déesse de la terre, pour bâtir son palais. Il fut puni par la déesse qui lui infligea une faim insatiable au point qu’il finit par se manger lui-même.

 

Qui est boulimique?

La boulimie nerveuse a été identifiée récemment en 1979 et répertoriée en 1993 dans le DSM4 (bible américaine des troubles mentaux). Les Anglo-Saxons regroupent sous le terme : « troubles de conduite alimentaire "eating disorders", l’anorexie, la boulimie sous toutes ses formes. Il existe des liens étroits entre la boulimie et l’anorexie. Globalement, ces deux troubles sont liés aux relations familiales étouffantes, hyper protectrices, avec de nombreuses interdictions particulièrement sexuelles, plus ou moins exprimées. On trouve des personnes boulimiques chez les adolescentes, les jeunes femmes et quelques hommes ; la proportion entre les hommes et les femmes est de 1 pour 10. Les abus sexuels sont souvent une des causes de la boulimie.

 

Cette généralisation demande à être analysée. Les anorexiques sont plutôt des personnalités hyperactives et fières de la maîtrise de leur corps alors que les personnes atteintes de boulimie sont des angoissées qui n’ont que du dégoût pour leur corps.

Pour ces deux types de personnalités, l’image du corps est omniprésente, obsessionnelle. Elles ont toutefois une sexualité et une sensualité pauvres. 

Pour les boulimiques, leur corps se résume à un ventre. 

Quand les identifications au père et à la mère qui sont salutaires pour l'affirmation du moi n'ont pas pu se faire, quand l’enfant a été élevé par des parents hyper protecteurs ou trop négatifs ou trop sévères, des troubles alimentaires peuvent se développer sans que les parents prennent conscience de leurs gravités.

La boulimie témoigne d’une grave crise identitaire. Le moi est faible, désorganisé. Les personnes sont frappées de leur facilité à se déconnecter du réel et à s’oublier complètement : « ce n’est pas moi, c’est une autre qui agit ». Elles se sentent dissociées.

 

Le grignotage

Nous ne parlons pas ici des personnes qui grignotent tout le temps entre les repas et ne cessent de faire des régimes. Elles peuvent se reconnaître dans certains traits ou comportements décrits, elles ont en effet des tendances boulimiques et leurs problèmes sont très proches de ceux qui sont évoqués.

Elles peuvent avoir un suivi thérapeutique plus court avec succès. La relation

thérapeutique, le fait de parler de ses troubles à un professionnel reconnu est sans aucun doute libérateur. Et si l’on adjoint des techniques éprouvées, l’amélioration est indéniable. Ajoutons que les examens et un suivi médical et dentaire sont une nécessité incontournable.

 

Prise de conscience du déroulement de la crise

Il y a des signes avant-coureurs, des lieux privilégiés, des objets déclencheurs, qui sont à portée de la main, à portée du regard, des mots stimuli, qui insensiblement enclenchent le geste captateur. Le gâteau est à portée de la main, à portée de la bouche. Alors, dans une frénésie irrépressible, les placards s’ouvrent et livrent tous les aliments le plus variés, les plus riches, les sucrés, les salés, tout ce qui tombe sous la main. le réfrigérateur se vide, tout sera englouti dans un laps de temps de deux heures environ, dans un no man's land de la conscience.. L'esprit est déconnecté du corps. En un clin d’oeil, la nourriture fait un circuit mortifère : la main-la bouche-le ventre. 

Le geste compulsif s'accélère jusqu'à la douleur terrible qui submerge, une sensation de poids énorme de l'estomac, l’irrésistible envie de vomir et puis enfin de dormir comme un lion repu.

 

Peut-on traiter la boulimie?

Oui, la boulimie peut être traitée. La boulimie n'est pas une fatalité. L’approche est délicate car c’est un trouble qui dépasse les structures psychiques puisqu’on le trouve dans les névroses, dans les psychoses, chez des personnes « borderline » et dans les perversions. Et elle peut se manifester par crises sur quelques mois puis se calmer et réapparaître dans des moments inattendus : Anne nous le dit « tout va bien aujourd’hui, je ne comprends pas mes crises ; je me suis remise de mon divorce, j’ai de bons rapports avec mon ex, mes enfants vont bien, je me sens calme et brusquement mes crises reviennent et je vais mal ».

 

Les thérapies comportementales et analytiques peuvent aider la personne à se réconcilier avec elle-même. Une cure analytique est nécessaire dans beaucoup de cas.

 

Souvent, une analyse entrecoupée d’exercices de retour au corps sont nécessaires et font avancer plus rapidement la patiente qui retrouve son corps dans son intégrité, dans ses sensations. Je propose des séances énergétiques de relaxation dynamique de sophrologie et des séances bioénergétiques utilisant les émotions comme la rage et la colère, émotions enkystées dans l’enfance qui surgissent alors dans une violence inouïe. L’enfant dans son mutisme a enterré ses émotions, son affectivité et la douleur réprimée ressort et libère enfin le corps et l’esprit de l’être bafoué.

L’analyse va permettre de se connaître en profondeur, de relier ces troubles à la petite enfance et aux liens parentaux, aux sentiments infantiles qui ont perturbé le psychisme de l’enfant et ont empêché l’épanouissement de la sexualité adulte.

Relier le « dire » de l’analyse avec le « faire » des techniques bio énergiques, le « comprendre « dans les techniques comportementales et par dessus tout, « vivre » la relation de transfert entre l’analysante et l’analyste est d’une grande efficacité. Le transfert sert de déambulatoire dans un premier temps pour celle qui est dans l’incapacité de se mouvoir seule ; l’analyse devient ensuite deux béquilles puis une, puis une canne car l’analysante commence à marcher, à savoir où elle va, à accepter le chemin vers la libération, vers l’autonomie, et puis l’analyste donne la main qui renforce la confiance et qui fait advenir l’alliance entre l’analyste et l’analysante. Enfin, l’être qui était paralysé, s’est remis à marcher librement « maintenant je vais bien, je peux marcher toute seule, je n’ai plus rien à vous dire, je vais vous quitter ».

 

Françoise "au placard"

 

Je me souviens de Françoise. C’était une jeune femme mince, grande, au teint pâle, aux yeux vides. Elle était fonctionnaire et se morfondait dans un bureau administratif, où elle se sentait « au placard ». Elle voyait peu de collègues dans sa journée et refusait les contacts à la cafétéria. Son travail consistait à comptabiliser les fournitures dépensées dans ce grand service administratif parisien. Elle est venue pour vaincre sa boulimie et ses angoisses.

Elle réussissait à tromper son monde en gardant une forme svelte au prix de vomissements journaliers. Elle se faisait vomir trois, quatre fois par jour.

Les crises le soir étaient un calvaire. Elle engouffrait jusqu’à 4 kg de nourriture qu’elle régurgitait aussitôt. Elle vivait seule. Personne dans son entourage et personne parmi ses collègues ne se doutait de l’enfer dans laquelle Françoise était plongée. On savait bien qu’elle déprimait. Le lendemain de ses crises, elle était absente. Elle avançait des motifs valables et gardait son secret. Je l’ai dirigée vers un psychiatre qui a traité sa dépression et l’a vivement conseillé de poursuivre sa démarche analytique et comportementale avec moi.

Comme dans de nombreux cas de personnes boulimiques, Françoise était boulimique dans ses achats de toutes sortes. Elle ne pouvait plus avoir de carnets de chèques ni de cartes bancaires : c’était un gouffre. Ce qui n’arrangeait pas sa situation. Faute d’argent, elle se renfermait sur elle : « sortir, s’amuser coûte cher ». Elle avait coupé avec sa famille, restée en province, qui ne s’inquiétait pas de cette adulte sans histoire.

Après plusieurs mois d’analyse, Françoise a pu renouer avec son unique soeur plus âgée et accepter de parler de sa maladie. Elle avait beaucoup de culture et un goût prononcé pour le dessin et la peinture. Je l’ai donc encouragée dans cette voie. Ses dessins étaient très « parlants ». Elle me ramena un jour une série de portraits de femmes, stéréotypées, avec des bandeaux sur la bouche, les yeux fermés.

 

Le manque d’amour

 

Avant de « faire » une technique, il est essentiel que la personne se sente écoutée car autant elle est avide de nourriture, autant elle est avide d’amour. On le sait maintenant, c’est le manque d’amour, de communication authentique, d’accueil qui a manqué à un moment ou à un autre. Car, comme le dit si bien le Professeur diététicien Albert François Creff :« manger, c'est consommer des symboles ».

Certes, les adultes vivent des moments difficiles et l’enfant qui est là, présente, à les regarder vivre, se tait souvent et peut partir en chantonnant dans sa chambre à tel point que les parents se rassurent. Leur fille va bien, elle chante, elle est bonne élève. Il n’en est rien : leur fille se tait sur sa souffrance.

A l’adolescence et même vers 30 ans fréquemment se développe une boulimie incompréhensible. Il a suffi de relations sexuelles malheureuses pour ajouter au désarroi profond de la personne. On retrouve alors des traits névrotiques : angoisse d’abandon, crises de panique, perte d’identité, dissociation, désir de plaire à tout prix pour ne pas être seule, impossibilité de dire « non » ou de dire « je souffre ».

Le sujet prend conscience de la possibilité de retrouver un équilibre alimentaire, il apprend à se réassurer, à se responsabiliser, à développer toutes ses capacités connues ou ignorées jusque-là. 

 

Les bénéfices de la thérapie

Le travail thérapeutique consistera donc à élucider les conflits avec la mère et le père, basés sur des sentiments ambivalents, à redonner la confiance et la reconnaissance qui ont manqué, la relation au corps, au désir, au besoin et au manque. Le but de la thérapie est de donner au symptôme son sens. Le symptôme est ce que la personne a de plus réel, et auquel elle tient paradoxalement. Il disparaît peu à peu. La thérapie pluridimensionnelle permet de travailler sur tous les plans de la vie psychique, le conscient et l’inconscient, de relier le travail du corps et de l’inconscient, de libérer l’angoisse, de redonner l’estime de soi.

La personne redevient autonome, retrouve la parole et l’agir, elle est enfin au monde, elle vit de plus en plus unifiée, elle peut accepter le risque de nouer des relations affectives et pleines avec les autres, et d’être heureuse.