La thérapie brève et la pensée systémique
La pensée systémique en thérapie est une façon de voir les phénomènes et des corrélations complexes selon une approche interdisciplinaire.
Écrit par Ghylaine Manet le 27 Décembre 2015
La thérapie brève est profondément marquée par la pensée systémique de la réalité que Bateson a développée à partir de 1952 à Palo Alto. Grégory Bateson (1904-1980) anthropologue a utilisé le langage de la cybernétique pour comprendre le fonctionnement de la communication. La pensée systémique est une " façon de voir les phénomènes et des corrélations complexes dans leur intégralité selon une approche interdisciplinaire ". Elle s'oppose à la pensée cartésienne sans pour autant refuser le rationnel de la science mais le principe de causalité prôné par Descartes ne suffit plus à expliquer le développement humain. Ce concept de systémie s'oppose aussi à la psychanalyse freudienne encore prépondérante dans la deuxième moitié du XXe siècle. La pensée jungienne, en revanche, est systémique, particulièrement par l'étude des symboles.
Dans la même période, Erickson utilisait avec ses patients le langage paradoxal très étudié par Bateson. Les chercheurs Jay Haley, John Weakland sont venus étudier le fonctionnement de l'hypnose éricksonienne à Phoenix. La pensée systémique est donc inséparable de l'hypnose.
La thérapie systémique a fait ses preuves dans le traitement des maladies psychiatriques ; l'école de Palo Alto a mis en évidence la théorie " du double lien " c'est-à-dire l'utilisation de propositions opposées et de paradoxes particulièrement évidente dans l'émergence d'une schizophrénie.
En 1959 Paul Watzlawick, (1921-2007) philosophe et psychanalyste jungien rejoint le MRI (Mental Research Institute) de Palo Alto qui vient de se créer avec Virginia Satir (1916-1988), pionnière de la Thérapie Familiale.
La thérapie stratégique et systémique de Paul Watzlawick " est une école de pensée qui étudie comment les êtres humains se rapportent à la réalité, ou mieux, comment chacun de nous entre en relation avec soi-même, avec les autres et avec le monde ". Elle est stratégique car elle s'adapte au contexte du patient et utilise une grande souplesse d'action. Son but : trouver et retirer le grain de sable qui crée le dysfonctionnementdu système.
On ne peut pas ne pas communiquer
C'est le postulat essentiel de la thérapie systémique. L'essence de l'expérience est d'être en relation avec l'autre. La phénoménologie, en Europe avec Edmund Husserl (1859-1938), philosophe autrichien a influencé toute la philosophie du XXe siècle : " Toute conscience est conscience de quelque chose ". Elle n'existe que par cette possibilité constitutionnelle d'être dans l'intentionalité, dans une visée. Nous n'existons pas seul mais toujours avec autrui...
La communication est un système d'échanges. La thérapie vise à établir une relation symétrique saine dans le respect et la confiance dans les partenaires d'un couple ou d'une famille : " le langage ne reflète pas la réalité, il la crée " nous dit Paul Watzlawick et " la carte n'est pas le territoire ". Chacun porte en lui sa propre carte issue de la réalité qui n'est pas la réalité. On peut distinguer deux niveaux de la communication : digitale, verbale et analogique non-verbale, qui donnent les indices de la relation : geste, comportement, regard, voix. La psychothérapie a pour but de rendre clair en langage verbal ce qui est analogique. Pour cela, il est nécessaire de parler sur la communication elle-même, ce que l'on nomme la méta-communication.
Le thérapeute avant tout travail thérapeutique se doit de connaître les canaux sensoriels privilégiés du consultant qui lui donnent une carte de sa réalité : le visuel, l'auditif, le kinesthésique, l'olfactif, le gustatif : ce qu'on appelle le VAKOG, très utilisé par Erickson et repris en PNL. Puis nous pouvons affiner notre étude du fonctionnement cérébral du consultant en identifiant ses préférences (étudiées avec brio par les neurosciences mises à la portée du public par Antonio Damasio) afin de nous adapter à son fonctionnement : utilisation privilégiée de l'hémisphère droit synthétique, intuitif, créateur, non-verbal (dans les thérapies brèves) ou de l'hémisphère gauche analytique, rationnel, contrôlant, verbal avec leurs composantes : limbique, corticale. Nous fonctionnons avec les deux hémisphères et nous les développons plus ou moins au fil de nos apprentissages afin d'appréhender le monde et d'agir.
Toutes ces observations vont nous permettre d'optimiser notre stratégie thérapeutique afin que le consultant se sente en confiance et en sécurité, base indispensable du travail.
La thérapie solutionniste
Le patient vient avec une demande, souvent formulée en termes abstraits et vagues. Il est inquiet, voire angoissé de commencer une thérapie. Steve De Shazer (1940-2005) centre son travail thérapeutique sur la solution. Dès le premier entretien, il est nécessaire de connaître ce que le patient a essayé comme thérapie afin d'éviter de faire " plus du même ". Pour être concret, on utilise une échelle graduée de zéro à 10 pour tenter d'évaluer le degré de souffrance, de douleur ou de trouble émotionnel. La précision des objectifs permettra d'estimer le parcours du patient. On cherchera les exceptions et l'on s'attachera à trouver ce qui marche et " faire plus de ce qui marche ".
Les progrès de la thérapie se mesurent aux objectifs atteints. Le travail avec le patient est minutieux. On peut utiliser un petit carnet de bord sur lequel le patient note chaque jour les progrès de sa thérapie. Les objectifs sont nettement décomposés et concrets.
" Je vais mal, je me sens toujours déprimée, je ne m'en sortirai jamais, je n'ai envie de rien". On s'attachera à modifier le langage : le rien et le toujours, le jamais sont à proscrire. Ces mots ferment la possibilité de changer. La réalité est tout autre.
Le travail se centre toujours sur les solutions temporaires qui seront réaménagées au fil de la thérapie. Dès la première séance, nous laissons entrevoir la possibilité d'un changement et nous prescrivons une tâche thérapeutique en émettant des prédictions positives ; il est nécessaire d'utiliser la résistance au changement naturelle dans toutes les demandes de thérapie.
Et c'est dans cette optique que l'on peut utiliser les techniques conversationnelles de Milton Erickson : Faire de l'hypnose sans le savoir.
Utilisation du langage ericksonien
Dans un premier temps, le thérapeute place le sujet en lui faisant prendre conscience de son corps, des points d'appui dans le fauteuil, de sa respiration, il l'invite à se focaliser sur ses différentes sensations tout en utilisant confusions et paradoxes pour couper les réactions du conscient et l'état d'hypnose se crée naturellement. La qualité de la présence du thérapeute, sa respiration en accord avec celle du patient, son écoute attentive, et par-dessus tout sa voix, ses silences marqués, son tempo et ses suggestions amplifient le processus : tout ceci opère le phénomène de dissociation, et la technique de distorsion du temps est très utilisée pour calmer les douleurs et permettre des opérations sous hypnose.
Milton Erickson utilisait des suggestions indirectes qui évitent le blocage psychologique. L'utilisation des techniques narratives, des contes, des histoires comme celle de l'ami John, des métaphores, des suggestions composées et des paradoxes libèrent les ressources de l'inconscient, permettent au consultant de faire des associations inconscientes tout en gardant sa liberté. L'utilisation du recadrage des événements et des corrections de scènes traumatisantes en état d'hypnose a des effets assez remarquables.
On peut alors utiliser la question miracle de Steve De Shazer qui sert de levier au changement.
La question miracle de Shazer " Imaginez qu'une nuit, pendant que vous êtes endormi, il y ait un miracle et que votre problème se trouve résolu. Comment le sauriez-vous ? Qu'est-ce qui serait différent ? Comment votre entourage le saurait-il, sans que vous lui disiez le moindre mot à ce propos ? ".
Nécessité d'informations
De nombreux livres donnent une bonne approche de ces thérapies, accessibles sur le site le plus documenté :( www.satas.com). Le site EMDR-France (www.emdr-France.org) donne l'annuaire des thérapeutes accrédités. La CFHTB (Confédération Francophone d'Hypnose et Thérapies Brèves) : (www.cfhtb.org) forme uniquement des professions de santé dans ses 33 instituts et associations (3000 personnes environ). Les Présidents Patrick Bellet et Claude Virot, la Confédération ont organisé brillament le 20ème Congrès international d'hypnose (2500 participants) du 26 au 29 août 2015 à Paris en partenariat avec l'ISH née en 1961, groupement de 20 nations qui ont le même souci de déontologie et d'éthique.
Pourquoi choisir ces thérapies ?
La thérapie intégrative prend en compte la liaison du corps et de l'esprit, oriente le traitement sur la résolution du problème, utilise les ressources de l'inconscient et la partie " saine de l'individu ". Le patient retrouve sa place, " son être ", évacuant peu à peu le symptôme dont il n'a plus besoin. L'utilisation des avancées thérapeutiques et les découvertes récentes des neurosciences offrent de nouvelles investigations, des possibilités de changement et répondent à la question : Comment se sortir du labyrinthe, aussi vite que possible, plutôt que de savoir pourquoi on y est entré ?