Sauvons le couple et mesurons les enjeux d'une thérapie
Quels sont les enjeux de la thérapie au sein d'un couple et quel est le role du thérapeute, quels sont ses moyens. Avec étude d'un cas pratique.
Écrit par Ghylaine Manet le 23 Mars 2020
Le couple existe, il a sa légitimité. Il n'y a aucune nécessité à traverser des crises, comme on l'entend souvent. Au fur et à mesure du temps seront nécessaires des modifications : les voiles que l'on règle selon le vent et le cap choisi ; l'itinéraire qui peut subir des ajustements. Des corrections seront indispensables, compte tenu de la marche du bateau, de ses possibles avaries mécaniques. Le couple connaîtra sans aucun doute des turbulences imprévues, des inévitables incidents de toutes natures, car le couple participe de la vie qui ne peut jamais être "un long fleuve tranquille".
Quels sont les enjeux de la thérapie?
Sortir du blocage et du mutisme, jeter à la corbeille tout ce qui est inutile comme reproches et redites, voire insultes, faire apparaître sur l'écran mental de chacun des partenaires ce qui était si beau et si fort au début de leur rencontre, éclairer la situation avec honnêteté, un brin d'humour, et beaucoup de franchise, de tact, de tolérance, de générosité, de chaleur humaine, d'acceptation sans laxisme. La thérapie permet d'accepter simplement qu'on ait besoin d'aide pour sortir du cercle vicieux dans lequel on finit par se perdre. Au lieu de faire l'autruche et de croire que "ça s'arrangera bien un jour" la thérapie de couple apporte une lucidité de plus en plus grande au fur et à mesure des séances et redonne au couple une énergie, une con?ance nouvelle et un regain de tendresse. Il y a tout lieu de croire en la pérennité d'un couple si chacun des partenaires s'accorde le temps de prendre conscience des mécanismes en jeu dans la crise qui s'annonce, se précise et finit par éclater comme un orage dont il sera merveilleux de sortir presque indemnes.
La NECESSITE D'UN THERAPEUTE va peu à peu émerger dans la conscience de l'un ou de l'autre partenaire, lorsque le couple n'arrive plus à communiquer et qu'il n'a plus qu'une envie : prendre ses bagages en abandonnant toute solution ou déchirer l'autre jusqu'à l'anéantissement. C'est alors qu'il a besoin d'un tiers, d'un thérapeute qu'il ne choisira surtout pas parmi ses amis ou la famille.
Quel est le role du thérapeute, quels sont ses moyens?
Il est d'abord celui qui porte l'espoir d'une solution la plus rapide possible afin d'éviter la rupture définitive. Grâce à sa position en retrait, observateur exigeant, il aide à verbaliser la prise de conscience des difficultés qui perturbent l'autre, que nos différences enrichissent le couple au lieu de le séparer, voila la première étape à évaluer et à franchir pour se retrouver, lucide et curieux de l'autre.
Voici le cas de Françoise
Elle arrive en plein état dépressif. Elle a 45 ans. Son mari a 15 ans de plus. Elle travaille dans l'entreprise de son mari. Lui, c'est un directeur psychorigide. Elle, c'est une femme soumise et douce. Il la traite comme une petite ?lle. Elle arrive avec sa pauvre histoire. Depuis longtemps, elle rêve devant son écran d'ordinateur et, pour remplir le vide de son couple, " chat " avec son professeur de gymnastique. Ils sont du même âge : la quarantaine. Ils sont tous les deux mariés. Donnons-leur des prénoms d'emprunt. C'est un peu le coup de foudre entre Françoise et Jacques. Ils se voient de temps en temps, en dehors des cours de gymnastique qu'elle suit deux fois par semaine. Ils se rencontrent très peu et très vite pour ne pas attirer l'attention. Ils réussissent à se ménager une soirée intime de loin en loin et se parlent longuement le soir quand les conjoints respectifs sont endormis dans la chambre nuptiale. Leurs conversations intimes les apaisent, les nourrissent, les enchantent et permettent à chacun d'eux de vivre leur couple légitime paisiblement, un peu en retrait, tout illuminés des quelques moments partagés à la fin du jour.
Françoise n'a plus de relations sexuelles avec son mari depuis plus de cinq ans. Sa nouvelle relation l'épanouit et l'apaise. Et puis, c'est le coup de tonnerre qui annonce un déluge. Coup de fil en pleine vie familiale, au repas. Les enfants et le mari autour de la table, le portable de Françoise sonne ; elle décroche. Une voix stridente de femme résonne : " je suis au courant de tout, je divorce et je vous le laisse ". Françoise, livide, voit sa famille interloquée, les deux ados et le mari ont saisi l'importance du message sans comprendre réellement les mots. Aussitôt le mari questionne. Les enfants sont priés de sortir. Et c'est la demi-confession.
Comment ce couple peut-il se sortir de cette situation ?
Françoise va très mal. Elle a des idées suicidaires. Son mari lui a demandé d'aller voir quelqu'un pour se soigner. Je l'ai dirigée vers un médecin pour évaluer son état de santé et nous avons décidé de travailler ensemble pour gérer au mieux cette situation. Le divorce est inévitable ? Peut-être pas ! Tout va dépendre de la qualité de la relation du couple, de ce qu'il en reste et des caractères des protagonistes, de leur capacité à changer le fonctionnement de leur couple qui a mené à cette situation. Le mari ne viendra pas. Il estime que seule Françoise doit assumer " sa faute ". Françoise a bien voulu travailler sur elle-même. Toutes les techniques de sophrologie ont été enregistrées au fils des séances : relaxation de base, recherche d'un lieu apaisant, un lieu sûr, une technique conditionnée contre l'angoisse, un entraînement autogène de Schultze à mettre en pratique en cinq minutes. Françoise a pratiqué l'autohypnose pour réussir à vivre au jour le jour. J'ai utilisé les techniques de l'EMDR (mouvements oculaires pour désensibiliser l'événement et faire une reprogrammation). En effet, Françoise ne dormait plus. Des flashes de scènes violentes avec son mari, ses injures, la giffle qu'elle reçut…tout était souffrance. Il lui semblait impossible d'oublier. Elle se sentait souillée, avilie et seule coupable. Des projections dans l'avenir, la mise en place d'une bulle protectrice pour se renforcer et se protéger contre les remarques.